Mlle Lucie Coutaz

Pendant plus de 30 ans Lucie Coutaz a fait du mouvement Emmaüs sa première préoccupation et son devoir. Sa volonté de fer, ses connaissances de secrétariat et ses capacités d’organisation ont fait d’elle un chef redoutable pour lequel les chiffonniers d’Emmaüs avaient du respect et de la gratitude.

De 1943 à 1982 elle fût au coté de l’abbé Pierre dans toutes ses entreprises.

Voulant agir toujours plus pour aider encore plus de personnes démunies, l’abbé Pierre s’est séparé petit à petit des tâches administratives, en les laissant à une personne qu’il considérait plus compétente que lui dans ce domaine et à laquelle il faisait entièrement confiance.

Ce fût donc Mlle Coutaz celle qu’il ait choisi pour cette mission.
Temporaire au début, cette mission deviendra avec le temps une tâche journalière.

« C’est grâce à elle que, pendant les maladies et les voyages répétés du Père, Emmaüs put se maintenir et continuer, en dépit de tous les obstacles et de toutes les tempêtes qui se sont dressés sur la route.
Animateur inspiré, l’abbé Pierre trouva en Lucie Coutaz la collaboratrice efficace qui assura au jour le jour la réalisation de ses projets » (texte de Pierre Dhombre, du livre « L’abbé Pierre. L’aventure des compagnons d’Emmaüs », paru en 1986)

Parcours de Lucie Coutaz :

(fragments écrits par l’abbé Pierre)

Miraculée

Elle est née en Savoie, le 9 mai 1899, à la Trinité. Après des études de sténo-dactylo, elle entre à 16 ans dans l’entreprise Lustucru. C’est à cet âge que se déclare une maladie qui va bientôt l’obliger à une immobilité presque complète : un mal de Pot dans les vertèbres dorso-lombaires. Plâtrée, corsetée, elle doit rester allongée sur une planche de bois de 1916 à 1921.

C’est durant cette année 1921 que les jeunes filles de sa paroisse se cotisent pour lui offrir un pèlerinage à Lourdes. Elle y arrive le 8 septembre. Plusieurs fois par jour, transportée sur un brancard, elle se rend à la piscine et à la Grotte. « Un certain jour, raconte-t-elle, comme j’étais sortie de la piscine et que l’on m’avait amenée à la Grotte, j’ai ressenti là un bien-être extraordinaire, une paix magnifique…Le brancardier m’a ramenée à l’hôpital. J’ai quitté seule ma voiture et je suis allée tout droit à mon lit. Il m’a regardé, étonné… »

Mais elle souffre encore. Un médecin qui s’est rendu à son chevet lui dit alors : « Nigaude, la sainte Vierge à commencé ce soir, elle finira demain. « Le lendemain, en effet, elle sort totalement guérie »

Militante

Elle reprend alors à Grenoble son travail de secrétaire et milite dans la section féminine de la CFTC. Bientôt, sur la suggestion du Vicaire général de la ville, elle prend la direction des syndicats chrétiens.
La guerre arrive. Elle dissout son syndicat. Et elle est chargée d’un bureau à l’Office Social de Renseignements. L’un des buts de ce bureau est de venir en aide aux familles modestes d’ouvriers et d’employés. Et pour cela, elle doit intervenir auprès des patrons, des services publics et des administrations.

Son bureau est aussi une plaque tournante de la Résistance (Lucie Coutaz sera décorée de la Croix de Guerre avec étoile de bronze en 1945).

Dévouée

Voici comment elle raconte la première visite d’un autre résistant…l’abbé Pierre : « Un jour, je l’ai vu arriver avec son grand chapeau enfoncé sur le nez. Il m’a dit qu’il voulait me voir. Comme il parlait à trop haute voix, je l’ai tout de suite fait passer dans l’arrière-boutique…Il faisait un bulletin pour les jeunes qui avaient pris le maquis et il venait me demander si je pouvais l’aider. Je lui ai dit de revenir le soir à la maison où il serait plus facile de parler.

Il revint donc le soir-même avec un autre résistant, celui qu’on appela par la suite « petit Louis ». Avant leur départ ce dernier lui dit : « Père, vous cherchiez une secrétaire, je crois bien que vous l’avez trouvée. »

Et en effet leur collaboration commença dès cette période (en 1943).
Recherché par la Gestapo, l’abbé Pierre ne vit plus à Grenoble. Il rejoint l’Afrique du Nord…et à son retour retrouve Mlle Coutaz : « Nous avions, tous les mois, une réunion pour les syndicats, à Lyon. Un jour que nous attendions le train, je vois un aumônier militaire qui allait et venait et qui, tout d’un coup, se plante devant moi sans rien dire. Je le regarde. Il avait changé. Il avait la barbe. Et je m’écrie : « l’abbé Pierre ! » Il allait lui aussi à Grenoble.

Aumônier de la Maison du Marin à Paris, le père demande à Lucie de le rejoindre. Ne voulant pas quitter Grenoble qu’elle aime beaucoup, elle hésite et après huit jours de réflexion, lui donne finalement son accord. C’était en 1945.

Efficace

Lucie Coutaz vient donc à la Maison du Marin…Mais le père est souvent absent, occupé par des séries de conférences. Deux mois durant, elle n’a aucune nouvelle de lui, ce qu’elle n’apprécie guère. Quand il revient et qu’il lui annonce son projet de se faire élire député, elle lui réplique : « Je rentre chez moi ! » Finalement, elle fera avec lui sa première campagne électorale.

« Et les autres…? »

Il loue une maison à Neuilly-Plaisance, qu’il transforme en Auberge de Jeunesse. Puis c’est l’accueil du premier compagnon et de la première famille sans logis. Emmaüs est né.

Arrivent les événements de février 1954 où l’abbé Pierre est propulsé au premier rang de l’actualité. Le mouvement rencontre un immense écho. Le père multiplie conférences et voyages. Il en tombe malade. Et pendant plusieurs années, c’est sur Lucie Coutaz que repose effectivement la responsabilité quotidienne, tant des communautés de compagnons que des différents centres d’hébergement que l’abbé Pierre a créés.
La tâche est écrasante. Le père absent, des conflits naissent…Lucie Coutaz, surnommée par certains « Lucie la Terreur », tient bon. Après le naufrage de l’abbé Pierre, elle contribue activement à la création d’Emmaüs International.

Paisible

A 82 ans, elle tombe paralysée. Voici ses dernières confidences :

« Quand je me suis vue à l’hôpital, je me suis dit : « Eh bien, au fond la sainte Vierge m’avait guérie pour travailler. Mission terminée… Oh ! Bien sûr, il y a eu au long de tant d’années bien des moments difficiles. J’ai vécu des coups durs ! Par exemple quand le père est tombé malade durant des mois. Je priais pour avoir la force de tenir, comme lors de ma première paralysie…

Maintenant, mission accomplie. Il n’y a que ça à penser. Mais pour accepter cette nouvelle paralysie, la vivre, il faut une certaine vie intérieure.

Si l’intérieur de l’âme ne vivait pas intensément, ça ne serait pas possible. Il faut que ce soit une vie spirituelle qui compense le manque de vie physique. »

Elle mourut le 16 mai 1982

« Sans elle, Emmaüs n’existerait pas. C’est ce qu’affirment tous les compagnons et amis des origines. Et ils disent vrai. En toute vérité, celle qui pour tous fut toujours nommée, avec un exceptionnel respect, « Mademoiselle Coutaz », fut co-fondatrice du mouvement né en 1949.

Ce que moi, je dois ajouter c’est que, pour quiconque a connu son tempérament, et ses dons de chef (qui lui valurent, soit dit en passant, la Croix de guerre avec citation, pour son courage dans le soutien secret à l’Armée du Vercors), il est évident qu’il lui fallut un véritable héroïsme quotidien pour, pendant 30 années, et jusqu’aux labeurs de ses dernières journées de vie, n’être toujours agissante que dans l’ombre d’un autre.

Elle percevait ce qu’avait de « fou » ce à quoi cet autre se laissait entraîner, mais toujours elle lui a assuré son concours. Modeste, elle présente ce texte comme la « parole d’un témoin. » Mais personne n’a pu, ni ne pourrait écrire sur « ce qui est arrivé »

l’abbé Pierre


 

 

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